Séduction, ou viol?

Ce que dit le Petit Chaperon rouge

 

Une ravissante et très jeune fille passe. Il sourit…

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Dans le passé le Conte n’a jamais été destiné seulement aux enfants, car les enfants n’avaient jamais été considérés comme tels; il était destiné à la communauté et chacun y prélevait ce qu’il entendait; il en allait de même pour les Fables:  contemporain de Jean de La Fontaine, Charles Perrault fera sien le précepte du fabuliste: « instruire et plaire ».

Le conte donne la possibilité de penser l’actuel et de le penser en venant toucher en nous ce qu’il y a de plus profond (ce qui est en rapport avec ce qui est secret , avec la jouissance et la cruauté…). Il vient toucher la part obscure en nous, cette part qui est une dimension majeure de l’être humain mais qui se dérobe au langage, à l’expression claire (Pierre Péju), tout ce qui est lien inouï entre l’enfant et l’adulte.

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Il y avait une fois un loup affamé qui allait réussir à dévorer une jolie et appétissante petite fille rencontrée dans le bois où elle musardait malgré les conseils de sa mère: voilà le Petit Chaperon rouge. Nous savons, depuis Bettelheim,  que dans un même récit se superposent plusieurs couches de sens, des plus évidentes aux plus inconscientes – ces dernières étant sans doute les plus marquantes.

Ici la leçon semble simple et lumineuse: il faut obéir à ses parents, il ne faut pas muser toute seule dans les bois, il ne faut pas parler aux loups, sinon… on est bien punie ! Mais que veut dire, aussi, cette histoire ? Perrault lui-même nous en donne la clé, dans une Moralité qu’il ajoutera plus tard à la fin du conte:

« On voit ici que de jeunes enfants, surtout de jeunes filles belles, bien faites, et gentilles,  font très mal d’écouter toute sorte de gens, et que ce n’est pas chose étrange s’il en est tant que le Loup mange.  Je dis le Loup, car tous les Loups ne sont pas de la même sorte ; il en est d’une humeur accorte, sans bruit, sans fiel et sans courroux qui privés, complaisants et doux suivent les jeunes Demoiselles jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles. Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux, de tous les Loups sont les plus dangereux. » 

Voilà la vraie leçon : surtout, jeunes filles, ne vous laissez pas séduire par ces hommes charmants, captivants, qui vous proposent courtoisement de vous tenir compagnie: ils vous dévoreront. C’est alors que le conte devient le lieu central où se jouent les émotions violentes liées à la vie, à la sexualité et à la mort: tel le lit de la grand-mère dans le secret duquel la jeune fille découvre avec un étonnement curieux ce corps inconnu qui la désire.

 

Écoutez bien…

Ceci n’est pas un conte de fée…