Non au niqab

Non aux visages cachés

 

Les libertés fondamentales auxquelles nous sommes profondément attachés ont été obtenues de haute lutte, au nom de principes démocratiques clairs, et elles ne sont jamais acquises à coup sûr (voir par exemple les pièges du projet de loi 59, analysés par Pierre Trudel). Parmi elles, l’égalité des femmes avec les hommes, la libre disposition de leur corps : sexualité, maternité…  sont désormais des droits que les femmes ont acquis, souvent malgré de fortes résistances masculines – dont certaines se manifestent encore dans quelques  milieux.

 

C’est dire combien plusieurs d’entre nous sommes choqués et hostiles devant le spectacle de femmes revêtues du niqab (ou de la burka) ; nous y voyons la manifestation d’une sujétion de la femme à l’homme, camouflée derrière de « nobles » raisons : observance religieuse, Loi, honneur, obéissance, tradition; sujétion que nous refusons et dont nous sommes à peine débarrassés nous-mêmes (les récents scandales sexuels dans l’armée et autres violences faites aux femmes nous le rappelleraient, si besoin était).

 

Mais nous sommes des gens civilisés qui tenons aux principes démocratiques: nous devons donc respecter les croyances, décisions personnelles etc. les uns des autres ; au nom de quoi aurions-nous le droit d’interdire à une femme de se vêtir comme elle l’entend, même si nous avons des raisons de croire que cela lui est imposé par les hommes (époux, frères, fils, pères ou dieu) ? Au nom de quelle rationalité pouvons-nous nous réclamer de l’interdiction des signes religieux pour dire non au niqab alors que nous disons  oui à la kippa, au turban, à la robe des adeptes de Krishna, etc.? Résoudre ce type de conflits en invoquant des valeurs autres que démocratiques est d’autant plus problématique qu’ils peuvent être récupérés à toutes sortes de fins : politiciennes, stratégiques, idéologiques, religieuses, machistes et autres; quelques déclarations électoralistes nous en donnent quotidiennement un bel exemple.

 

C’est le constat de cette difficulté, couplé au désir de ne plus voir de femmes au visage couvert dans mon pays et ma culture, qui me porte à croire qu’une interdiction générale adressée aux femmes et aux hommes de cacher leur figure, quelles que soient leurs raisons de le faire, serait une façon claire d’en finir avec ce débat . Je sais que cela peut être perçu comme une tactique de détournement. Je sais que, du point de vue des femmes c’est une approche insatisfaisante, que du point de vue de la laïcité c’est une stratégie indigne ou trompeuse. Mais s’il n’y a pas d’empêchements légaux à prescrire une telle mesure,  je persiste à penser que cela permettrait de clore la question. Peut-on au moins l’étudier?

 

Et qui sait? Début d’un éveil et d’une intégration de fait? Une telle interdiction serait recevable parce qu’elle est « neutre » et générale; elle provoquerait peut-être des remises en question inattendues à l’intérieur des communautés où le niqab a une signification particulière. Si au contraire nous imposons cette interdiction au titre de port de signe religieux ou autre contrainte,  il y a fort à parier que les défenseurs du niqab continueront de se battre pour son  maintien, au nom des libertés de la personne s’il le faut.

 


NOTE: Pour ne pas alourdir le texte, j’utilise le masculin dans sa valeur de neutre.