Louise Labé (1524-1566) est considérée en France comme l’une des premières féministes en ce qu’elle revendique pour les femmes le droit à l’éducation, à l’indépendance de la pensée, et à la liberté amoureuse et sexuelle. C’est une rebelle ; elle veut voir les femmes : « non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les hommes« ; et pour cela elle prie « les vertueuses dames, d’élever un peu leur esprit par dessus leurs quenouilles et leurs fuseaux … » Préceptes qu’elle appliquera à sa propre vie, envers et contre tous, et autant, sinon davantage, toutes.
Contemporaine de Ronsard et Du Bellay, de Rabelais et de la fondation de la Compagnie de Jésus par Ignace de Loyola, nous savons peu de choses de cette femme qui occupe une place particulière parmi les poètes de la Renaissance. Son père comme son mari d’au moins 25 ans son aîné fabriquent des cordes à Lyon – de là le surnom de «La Belle Cordière », ainsi que l’avait célébrée le grand poète Clément Marot, amoureux d’elle. Femme de lettres, poétesse, ravissante joueuse de luth, éduquée, pour qui l’escrime et l’équitation n’avaient aucun secret : “[elle] avait la face plus angélique qu’humaine : mais ce n’était rien en comparaison de son esprit tant chaste, tant vertueux, tant poétique, tant rare en savoir, qu’il semblait qu’il eut été créé de Dieu pour être admiré comme un grand prodige, entre les humains. »
Elle tenait «bureau d’esprit» dans sa maison, à Lyon. Son domicile était le rendez-vous de la société la plus distinguée et la plus lettrée. On a fait courir sur elle toutes sortes de rumeurs, se basant sur certains événements de sa vie et sur la transparence érotique de sa poésie : Louise Labé chevalier, Louise Labé lesbienne, Louise Labé femme légère, Louise Labé prostituée, etc. Nous n’avons de certitude que ce qu’elle nous en dit : elle se serait donnée avant ses 16 ans à un homme de guerre. « Je n’avais vu encore seize hivers/ lorsque j’entrai en ces ennuis divers « …Elle a provoqué la haine de ceux qu’elle a éconduits et surtout celle de ses contemporains bien-pensants: ils l’attaquent violemment , l’accusent de monter à cheval comme un homme (c’est-à-dire en pantalon, plutôt qu’en amazone), de manier le fleuret comme un homme et autres vices semblables. Dans un pamphlet Calvin écrit: « cette prostituée de bas étage que l’on nommait, en partie à cause de sa beauté, en partie à cause du métier de son mari, La Belle Cordière; cette impudique Louise Labé, que chacun sait avoir fait profession de courtisane publique jusqu’à sa mort. » Et on en profite pour reprocher à son mari sa complaisance. Le Bibliothécaire de la ville de Lyon :« Pour dire en un mot, elle faisait part de son corps à ceux qui fonçaient. Ce n’est pas en tant que courtisane que je lui donne place en cette bibliothèque, mais seulement pour avoir écrit. »
Une amoureuse, Louise Labé? Beaucoup plus: elle donne voix à l’expression féminine de la liberté.
Écoutons-la…