Le Loup et le Chien, La Fontaine

La liberté n'a pas de prix

La LIBERTÉ quels qu’en soient les risques et le prix, valeur essentielle de nos vies et de notre civilisation:  La Fontaine, avec  Le Loup et le Chien, comme dans toutes ses Fables s’adresse directement à nous et nous pose ici une question dont la réponse est évidente en principe, mais héroïque dans la réalité de notre vie quotidienne : que choisirons-nous: le confort de la soumission, ou la liberté?

Un Loup affamé rencontre un Chien bien nourri, dont la graisse et l’éclat du poil témoignent d’une vie agréable et sans histoire, qui lui offre de venir avec lui vivre chez ses maîtres. Déjà le Loup rêve d’un monde aimable et doux, de nourritures abondantes, de farniente; il est tout près d’accepter et, par un reste de méfiance, en demande le prix. Presque rien : obéir au maître, être poli, etc., porter un collier bien sûr … Le Loup se réveille brusquement. Ne pas être libre d’aller où bon lui semble? ÊTRE ATTACHÉ?  jamais! Et il s’enfuit à toutes jambes. C’est ainsi que plutôt que la perspective d’une soumission confortable il choisit de subir la faim, les combats incessants, les dangers certes, mais la liberté:

« IL COURT ENCOR » –  oui, jusqu’à nous, ici et maintenant.

Si nous essayons de négocier avec les ennemis de notre liberté nous nous condamnons à appauvrir notre contribution à la société en filtrant notre parole: c’est l’autocensure. Nous envisageons des accommodements au nom de la raison sans pour autant oser régler les dissensions profondes ? nous sommes en voie d’être colonisés. La peur insidieuse provoquée par le terrorisme affaiblit notre capacité à nous affirmer, et si nous le faisons, nous risquons notre vie, tels ces journalistes parisiens il n’y a pas si longtemps et beaucoup d’autres, avant et après eux : ils sont morts d’avoir refusé le collier.

La fable nous parle de ce courage personnel autant que politique; c’est un appel à la résistance devant qui se prétend notre maître et qui, par toutes sortes d’intimidations, de chantages et de violences essaie de nous soumettre; il s’emparera de la liberté de nos mouvements, et plus précieuse et importante encore, de notre liberté de penser et de nous exprimer; c’est nous-même, dans l’affirmation de notre identité, qui serons attaqués.

Dans un texte étonnamment moderne : le « Discours de la servitude ou Le Contr’Un» La Boétie, écrivain ami de Montaigne, écrit : « … n’est-ce pas un extrême malheur que d’être assujetti à un maître de la bonté duquel on ne peut jamais être assuré et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra ? Et obéir à plusieurs maîtres, n’est-ce pas être autant de fois extrêmement malheureux ? »

Un siècle plus tard, par la voix du Loup, La Fontaine fait écho à cette question, dans une fable inoubliable.

 

Un Loup n’avait que les os et la peau…

 

 

… il court encor …