Desnos

Jamais d’autre que toi…

 

Le poète Robert Desnos est né en juillet 1900 à Paris.

Il n’aime pas l’école et la quitte à 16 ans. Curieux et rêvant de poésie il lit Hugo et Baudelaire, se passionne pour la culture populaire, les romans et les bandes dessinées et, à 17 ans, publie ses premiers poèmes . Le milieu littéraire parisien l’introduit au mouvement Dada ; lorsque celui-ci éclate en plusieurs clans, il s’engage avec passion dans l’aventure du langage et de l’inconscient proposée par André Breton et participe aux expérimentations des Surréalistes . Mais lorsque Breton exige qu’il s’inscrive au Parti communiste, Desnos, comme plusieurs autres, prend ses distances : son désir de liberté ne s’accommode ni de l’engagement dans un parti ni de l’autoritarisme croissant du « pape » du surréalisme.

Journaliste, chroniqueur, rédacteur publicitaire, il écrit des poèmes aux allures de chanson et des textes radiophoniques. Politiquement très engagé sans toutefois appartenir à aucun parti, convaincu de la nécessité de la guerre pour lutter contre la montée du fascisme en Europe,  il adhère au mouvement des intellectuels antifascistes. Après la défaite de 1940 et l’instauration du régime de Vichy, il rejoint la Résistance. Le  22 février 1944,  arrêté par la Gestapo, il est déporté. Dans le camp de concentration de Theresienstadt, à Terezin, épuisé par les privations, malade du typhus, il meurt le 8 juin 1945.

Un an avant sa mort Desnos avait écrit :

Ce que j’écris ici ou ailleurs n’intéressera sans doute dans l’avenir que quelques curieux espacés au long des années. Tous les vingt-cinq ou trente ans on exhumera dans des publications confidentielles mon nom et quelques extraits, toujours les mêmes. Les poèmes pour enfants auront survécu un peu plus longtemps que le reste. J’appartiendrai au chapitre de la curiosité limitée. Mais cela durera plus longtemps que beaucoup de paperasses contemporaines. 

Il ajoute : Unir le langage populaire, le plus populaire, à une atmosphère inexprimable, à une imagerie aiguë ; annexer des domaines qui, même de nos jours, paraissent incompatibles avec le satané ‘langage noble’ qui renaît sans cesse des langues arrachées du cerbère galeux qui défend l’entrée du domaine poétique, voilà qui me paraît besogne souhaitable sans oublier, je le répète, certains motifs impérieux d’inspiration actuelle.

En effet il est connu aujourd’hui surtout pour ses poèmes et contes pour enfants écrits pendant la guerre, à l’image des drôles et ravissantes (et parfois cryptées) Chantefables et Chantefleurs. Mais Robert Desnos a écrit bien d’autres textes qui tous témoignent de son amour pour la liberté, l’amitié, la fraternité, la justice sociale; et les poèmes que ses amoureuses lui inspirent sont admirables.

À 24 ans, il rencontre la chanteuse de music-hall Yvonne George, de trois ans son aînée. Il l’aime passionnément et la décrit: Plainte des amoureuses, poésie éternelle de la passion, de la révolte et de l’aventure, Yvonne George les exprime par tous ses gestes, son attitude, son existence même. Ce n’est pas une femme, c’est une flamme, elle est mieux qu’intelligente: sensible, plus que belle: émouvante. La femme moderne, si longtemps calomniée par les sots, trouve en elle sa plus haute expression.

Cet amour ne fut jamais partagé; elle hante ses rêveries et sa poésie. Il lui écrit : Dans la nuit il y a naturellement les sept merveilles du monde et la grandeur et le tragique et le charme. 
Les forêts s’y heurtent confusément avec des créatures de légende et cachées dans les fourrés. 
Il y a toi

Yvonne meurt à 33 ans. Desnos l’aimera toujours, désespérément, au-delà de la tombe. C’est pour elle qu’il écrit Jamais d’autre que toi et État de veille,  deux moments magnifiques de son univers où l’enchantement de la passion se heurte inexorablement à la fragilité de l’amour réel, à la solitude et à la disparition.

 

 

 

Illustrations: René Magritte –  A la Rencontre du plaisir, 1962  –  Les Amants, 1928