Aux victimes de toutes les barbaries
La victoire de Guernica
Guerre civile, combats, destruction, exploitation et brutalités envers les plus démunis (les Premières Nations par exemple) dans plusieurs parties du monde; parmi beaucoup d’autres le Moyen-Orient saigne; ainsi Kobané, village de Syrie, à la frontière turque en témoigne (photographie d’ouverture, 2014): par deux fois l’Etat Islamique a tenté d’en prendre le contrôle. Jusqu’à présent, l’EI a été repoussé. À quel prix ! Voici le rapport de l’OSDH (Observatoire syrien des droits de l’homme) qui n’est sans doute déjà plus à jour : « un des pires massacres de l’Etat islamique : 120 civils ont été exécutés par l’EI dans leurs maisons, tués par les roquettes du groupe ou par ses tireurs embusqués » (…) « Quand ils sont entrés dans la ville, les djihadistes ont pris position dans des immeubles aux entrées sud-est et sud-ouest et ils ont tiré sur tout ce qui bougeait. Ils sont entrés dans la ville dans l’intention de tuer. (…) Il y a des corps de civils, dont des femmes et des enfants, qui ont été retrouvés dans les rues… »
Récemment on nous montrait un petit garçon gisant au bord de l’eau; des hommes, des femmes et des enfants noyés dans leur fuite vers ce qu’ils croyaient la sécurité; des lieux saccagés : jalons honteux des crimes de guerre et des destructions qui se poursuivent, jour après jour. Ces images, pouvons-nous nous en émouvoir aux larmes et continuer de vivre comme si la violence, collective aussi bien qu’individuelle, était une fatalité?
Le 26 avril 1937, un an après le début de la Guerre d’Espagne; l’armée allemande soutient le général Franco. C’est jour de marché dans la petite ville basque de Guernica où il ne reste que les femmes, les enfants et les vieillards puisque les hommes sont partis combattre les franquistes. Le centre de la ville est la cible d’un raid des avions allemands dont l’un des objectifs est de tester leurs nouvelles armes; ce n’est pas une opération uniquement stratégique, le but est de tuer un maximum de personnes. Les bombardements durent trois heures, avec des bombes explosives et des bombes incendiaires; 70% de la ville est détruite. Le raid fait 2000 victimes, essentiellement des femmes et des enfants. C’est un prélude à la Seconde Guerre mondiale.
Bouleversé, indigné comme nous le sommes aujourd’hui, Paul Éluard écrit la Victoire de Guernica. Le poème publié en 1938 n’a hélas pas besoin d’une longue introduction, non plus que Guernica, l’immense et magnifique tableau peint en 1937 par Picasso, qui déclare alors: « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l’ennemi. » Même si un événement précis est à l’origine de ces deux œuvres, elles évoquent et dénoncent l’horreur de toutes les guerres, passées et à venir. Le titre du poème transforme la victoire historiquement objective de l’ennemi en une victoire du peuple, et donne tout son sens à ce poème de résistance. La victoire de Guernica, hymne aux victimes, témoignage et – grâce à ces oeuvres d’art – mémoire et symbole de résistance à toutes les violences, annonce l’espoir magnifique qu’un jour
LA RAISON VAINCRA LA BARBARIE!
Comme je voudrais le croire, que la raison pourra, un jour, vaincre la barbarie. Je ne vois aucune raison d’en être optimiste. Combien d’autres Guernica faudra-t-il connaître! (Notez l’absence d’un point d’interrogation.)
Je suis partagée entre votre position qui très réalistement tient compte de l’Histoire du monde; et, au contraire de Rousseau et de quelques autres, je ne crois pas que l’homme soit « foncièrement bon ». Mais je crois, peut-être naïvement ou follement, que chaque Guernica porte en soi le germe d’une réflexion qui, un jour, conduira à une résolution moins sauvage des conflits – politiques, économiques, sociaux, culturels. Cela signifie beaucoup de confiance dans la capacité de l’esprit humain à l’emporter sur la sauvagerie: je tiens bon… Merci de votre commentaire.
J’ai aussi, parfois, des élans d’optimisme. Et je me dis que ce n’est pas vrai que l’histoire se répète, que ce sont plutôt les historiens qui se répètent. Et puis il y a des événements qui me font dire que non, les choses changent au rythme de la fonte des glaciers. J’ai toujours aimé la phrase de l’époque de la restauration, voulant que les Bourbons ne n’eussent rien appris, mais rien oublié. Substituer le nom des dirigeants de n’importe quel pays pour celui de « Bourbons ».
Ce que vous appelez « élans d’optimisme », je le transforme pour mon propre compte en « confiance profondément ancrée » dans le désir de progrès, que je crois non seulement possible, mais inséparable de la volonté de vivre. Sinon la race humaine, si ingénieuse quand il s’agit de détruire, ne serait probablement plus de ce monde, et je n’aurais pas, cher Gérard Rejskind, le plaisir d’échanger avec vous aujourd’hui. Même (et pourquoi pas surtout) si nous restons sur nos positions respectives, ce qui après tout est rassurant sur le pouvoir de la civilisation.
Il y a deux façons de voir, je crois. Si je suis parfois pessimiste en 2016, vivant dans des conditions ma foi plutôt confortables, qu’en est-il de ceux nés entre les deux guerres, leurs parents vivants dans des temps durs sans le filet de sécurité d’aujourd’hui, dans la presque certitude d’une guerre qui risquait de faucher leur avenir? Avons-nous fait des progrès depuis? Dans certains domaines, oui.
C’est l’Internet qui a été porteur de changement, je crois. Mais, comme disait quelqu’un récemment: « J’ai dans ma poche un appareil qui me donne accès à toutes les connaissances de l’humanité, et je m’en sers pour regarder des photos de chats, et me disputer avec des gens que je ne connais même pas.
Je crois aussi que sur les réseaux sociaux les photos de chats, aussi charmants soient-ils, ne sont pas d’un grand intérêt; c’est bien pourquoi je n’en ai partagé aucune et n’ai pas l’intention de le faire dans un avenir prévisible, alors que les vrais chats, je les aime bien. Idem pour ce que la personne que vous citez nomme pudiquement « dispute » et qui va facilement jusqu’à la grossièreté et l’insulte, peut-être thérapeutiques pour qui les énonce, mais totalement in-signifiantes. J’ai appris, comme beaucoup d’entre nous certainement, à ne pas les lire et, si récidive trop fréquente, à ne plus suivre leurs auteurs. Gain de temps appréciable, et bienfaisante affirmation de mon éventuelle mauvaise humeur à moi…
Oui, il y a une phrase de plus en plus courante sur certains sites: don’t feed the trolls. Autrement dit, ne pas encourager ceux qui nous servent des remarques désobligeantes en leur en rendant la pareille.
En même temps, si l’Internet n’a pas été le grand outil de libération que l’on prédisait jadis, il a changé le monde de différentes façons. Je recule plusieurs années, et je me demande comment je faisais pour obtenir des renseignements et faire des recherches. Certes, mes bibliothèques étaient (et sont!) remplies de livres, dont des encyclopédies, et ma voiture pouvait me conduire jusqu’aux bibliothèques (de musique, de médecine, etc.). Je ne comprends pas ceux qui, aujourd’hui, ne profitent pas de l’accès presque magique à tout ce qui pique notre curiosité.
Je vous devine aussi curieuse que moi…
Oui, il semblerait…
Bouleversant !