A320, une hypothèse:

le désir de tout détruire

L’acte désespéré du suicide, le plus souvent associé à la dépression, engage généralement une autodestruction solitaire; ceux ou celles (enfants, membres de la famille et autres proches) qui sont parfois entraînés dans ce geste de mort sont les acteurs directs ou indirects d’une situation jugée insoluble : la mort-ensemble devient alors la seule issue pensable, comme une libération partagée.

Andreas Lubitz n’a pas de lien particulier avec les 150 personnes qu’il entraîne dans son écrasement; mais leur vie ne compte plus tant la portée de son dés-espoir s’étend au monde entier. Cette indifférence envers les autres me fait penser à l’exclamation de Louis XV (croit-on) « Après moi le Déluge ! ».

Maître absolu de cet avion pendant un moment peut-être imprévu, peut-être attendu, celui que ses employeurs allaient mettre en long congé de maladie et peut-être dehors, celui dont la vie amoureuse venait d’être dévastée semble-t-il, celui-là, seul au volant porteur de vie, a-t-il été submergé par un sentiment de toute-puissance si brusque que l’angoisse et avec elle le sentiment de réalité ont été annihilés ? le banal « après moi le Déluge » serait devenu: » À moi le Déluge », autrement dit : « JE SUIS le Déluge ».

Si l’hypothèse d’un tel épisode de grandiosité était vérifiée, ce suicide représenterait alors le dénouement d’un enchevêtrement devenu inextricable : une angoisse intolérable et le sentiment de toute-puissance liés à une rage destructrice dirigée contre ce monde dont il est rejeté. Au fil des jours, nous en saurons plus sur les événements qui ont précédé la matinée du 24 mars d’Andreas Lubitz; les dossiers professionnel et médical, ses documents personnels, éclaireront-ils l’état réel de sa santé mentale ?

Quelle tristesse, quelle horreur, qu’à ce moment-là le destin de tant de personnes ait été anéanti…

 

 

Illustration: Dali, « Les eaux d’un grand déluge », 1964